30/03/2008

Blanc de bleu.

Le plafond blanc de la chambre bleue joue des valses d'ombres avec le soleil, tout un orchestre de lumières tamisées par les rideaux cramés, tout un bal diurne fatigué par les ivresses nocturnes. Les lourds meubles en bois se reposent, on entendrait presque leurs longues plaintes craquantes résonner. Et le lit est grand, grand comme un navire, il m'est souvent arrivé de m'y perdre, et de voyager dedans pendant quelques centaines d'années. Périples d'Ulysse. Ce plafond là c'est certain a un pouvoir magique il m'écrase comme il m'élève, son blanc m'attire toujours et puis je le trouve si traître après l'avoir contemplé ce plafond est comme toi ; il est un ciel et un mur en même temps. Ses craquelures sont tes veines gonflées je me perds dans sa pureté, puis je m'égare dans ton vice, délice-délice. Ce matin, lassée, je me demandais si tu avais vraiment le courage de faire exploser ce dernier mur du haut, on sauterait sur le grand vieux lit de plus en plus haut, jusqu'à s'envoler et se fixer au ciel, un nuage au hasard, et glisser à l'infini et en transversale, sur le navire céleste, par les Cosmos et mieux encore.

19/03/2008

Ciel catégorique

le ciel à l'envers vomit ses oiseaux de malheur
qui sont toujours de grands corbeaux noirs ou d'absurdes mouettes maladroites
et ce flot d'ailes et de plumes qui tournoient
c'est un peu la matière de ma folie
l'évanescence violente de ma raison
je ne connais pas la fonction de tout
ce désordre
mais il m'est cher
c'est le seul endroit où je viens me recueillir
sans que personne
n'en trouve l'issue
c'est un cimetière peut-être
d'artistes
buvant
et je leur propose de
réaliser
leurs souhaits
de fous tant qu"ils sont encore
morts
alors les vieilles photos brunissent
au soleil impitoyable
eh! mon amour
je suis lasse de toi
ah c'est terrible
tout ce qui entre nous est déjà délavé
tout blanc à force de saigner
ah mon amour
il faut que tu comprennes
que j'ai trop fortement attendu
ta chute du ciel, qui
à l'envers encore
faisait chuter des beaux corps comme
le tien
mais tu n'es venu qu'à moitié
tendre amour avorté
si tu avais su
faire de violences sur ma bouche
alors tout aurait été différent
oh oui vraiment différent
mais tu es tellement vague
et époustouflant comme l'embrun d'ailleurs
dans la transversale de ma nuque
tu aurais pu tout mordre
tu n'as rien effleuré
amour-émoussé.
le ciel à l'envers vomit ses oiseaux de malheur
le ciel de travers ravale ton ombre d'ensorceleur

12/03/2008

Easy.

La fatigue des mille ans perdus me prend facilement [easy-easy]. C’est un dégoûtant vertige de lassitude, les yeux clos cloîtrent la pensée dans le rond noir de la tête. Les paupières perdent leur doré et c’est comme une petite pluie poudreuse et impalpable qui en tombe. La descente lumineuse dure une seconde tout au plus, c’est trop rapide, c’est si écoeurant que j’en ai le cœur au bord des lèvres. Il y a des nuages gris sur les nuages roses, des hommes sur des femmes, des blessures, des plaies ouvertes sur mes Illusions. Je tiens bon. Il y a d’un côté un grand et bel espoir, une immensité de lendemains, et puis il y a toi « What became of the likely lads, what became of the dreams we had ? » ça résume assez bien la chose, le rejet, la douleur, la haine, la nausée, la tristesse et puis mon sang. Oui mon sang. C’est maintenant, dès aujourd’hui, sans toi. Brutale décomposition, putrification d’un « amour ». Le « deuil », je ne sais pas pour quand il peut être, je ne peux pas en parler, je ne veux pas, c’est l’instant, ce n’est pas demain, je ne dis pas, plus « avenir » à côté de ton nom parce que je sais que le jour à venir m’accordera encore de la souffrance associée à toi. Oh toi. C’est sans toi et l’as décidé sans moi. C’est t’entendre dire que l’Ecriture n’est plus « qu’un loisir » pour toi, que « Londres, oui, mais certainement pas avec toi ». C’est surtout te voir déchirer, piétiner, cracher sur nos belles Ivresses en route. Mort-nées. Embryons et fausses couches. Le liquide qui entourait le fœtus est malsain et répandu partout ça s’infiltre en moi, dans mes pensées, ça sèche et alors ça m’abat, ça forme la croûte de la haine, la pourriture du bonheur et je deviens un animal fou, alors il me faudrait des bras, un corps, tout est noir flou dérangé, les bruits sont horriblement amplifiés. J’ai des souvenirs mélangés à ce présent-là, et tout fond, se dérobe sous mes pieds, dégouline m’engloutit j’étouffe, c’est absurde l’existence, c’est absurde ce silence. Un corps compresserait ce vide, le rendrait minuscule, ses bras à lui seraient juste salvateurs, et dans ces moments-là j’ai juste besoin des injections du Serpent dans mes veines. Je m’accroche à ces deux, ce n’est pas possible sans. Oh comme on était près de Waterloo Bridge, à quelques kilomètres, on pouvait presque voir Londres se dresser à l’horizon. Presque. Ce sera sans toi, j’ai mis du sang sur ton image chéri pour oublier, pour t’effacer si possible mais ces jours d’après te ramèneront inévitablement et en vérité je ne veux que ça, mais d’une autre manière. Cela prendrait tellement de temps et d’énergie. J’ai la fatigue des mille ans perdus qui m’est tombée dessus aussi. La pellicule grise de la pénombre enveloppe les bâtiments crasseux, figés. Quelques lumières jaunes et vieillies tremblotent au loin. Les murs sont si blancs aujourd’hui, les images partout dessus ne les cachent pas bien, je sais qu’il y a ce blanc dégueulasse derrière, et ça ressemble tellement à tout ce qu’on peut vivre ici, c’est faux, et pourtant c’est moi qui l’ai voulu. Griffer ses bras. Easy, cette lassitude, ce gouffre. P-s : ce ne sont que des mots, tu le sais.